La suspension corporelle… Une passion dans la peau !
Il y a des arts dont on ne suppute pas l’existence sauf si vous êtes initiés par des personnes qui les maîtrisent ou des personnes qui les ont découverts, elles-aussi par hasard, grâce à des amateurs ou à des professionnels de ces fameux arts. C’est l’un d’eux dont j’ignorai totalement l’existence, que le photographe de presse Laurent Jahier m’a fait découvrir : La suspension corporelle ! Non pas parce qu’il pratique, mais parce qu’il a fait connaissance d’un spécialiste de la chose.
Mais c’est quoi la suspension corporelle ?
Pour faire simple, le corps est suspendu par des cordages avec des crochets qui traversent la peau à différents endroits du corps et se balance dans le vide. Hum…. Oui, je sais ça pique évidemment… Je vous raconte !
Il y a 5000 ans, la pratique que je vous présente aujourd’hui était une pénitence religieuse en Inde. En Amérique du Nord, pour les tribus amérindiennes, il s’agissait d’un rite de passage pour les jeunes guerriers, souvent conduite par un Chaman. La suspension corporelle est maintenant devenue une performance spectaculaire, qui pour certains gardent encore son symbole mystique.
Le Shibari est le bondage japonais peut être aussi comparable mais il s’apparente au hojōjutsu, un art martial qui consiste à attacher ses prisonniers avec des cordes et des nœuds spécifiques selon leur statut social. Cette technique est elle aussi devenue une performance tout comme la suspension corporelle.
Pour la suspension corporelle, le corps est préparé pendant une bonne demi-heure aux endroits où les axes doivent traverser la peau (dans le dos, le buste, le ventre, les genoux, les jambes). Puis ils sont accrochés par des cordes. Ainsi les corps sont suspendus en l’air et se balancent dans différentes postures (le suicide, le coma, le superman, le lotus ou la résurrection).
Si la douleur est insupportable voir atroce, le corps humain est si bien fait qu’il secrète de l’endorphine, beaucoup d’endorphine. Comme chacun le sait, cette hormone du plaisir apporte plénitude et sérénité. Si des amateurs de cette pratique se « shootent » de façon naturelle, ils y donnent une véritable dimension spirituelle pour se retrouver, se recentrer intrinsèquement parlant. Concentration façon yogi oblige afin d’être capable d’encaisser la souffrance et de la surmonter jusqu’à l’extase.
Ce petit monde très fermé se retrouve partout dans le monde. Il n’est pratiqué qu’avec des perceurs professionnels et ont des codes hyper encadrés avec du matériel de qualité et stérilisé. L’hygiène est un des aspects primordiaux pour sa réussite. Parfois à New York ou Londres, certains passionnés se retrouvent dans des cours ou des salles comme s’ils allaient au spectacle/concert/théâtre. Ils observent des novices ou des amateurs se faire préparer et suspendre par des spécialistes.
Qui m’a présenté la suspension corporelle ?
Je connais Laurent JAHIER depuis très longtemps. Cela fait 35 ans qu’il fait de la photographie de presse. Je préférais vous dire qu’il est passionné par la capture du moment présent, celui qui passe et qui ne reviendra pas. C’est pour cette raison qu’il préfère le noir et blanc. Il fige une personne, une action, un paysage dans le temps et devient un sentiment.
Un jour, il a eu le bonheur de travailler au Studio Imaginoir à Paris au côté de Jean-Yves Brégand en développant par exemple, les planches contact de Sebastio Sagaldo. Découvrir sa vision brute… Quel incroyable choc pour Laurent JAHIER !
Depuis toujours, il y a aussi son enthousiasme pour Cartier-Bresson, Harcourt, Capa, Doisneau, Sieff ou encore Rheims et Newton (Pas étonnant s’il aime Rheims et Newton qu’il photographie un thème aussi original que la suspension corporelle) … Cette liste est non exhaustive bien sûr, mais elle est la base de son inspiration photographique qui se confond parfois avec son amour de l’art, de la littérature, et du rock.
Alors, il est toujours à la recherche de sujets étonnants, érotiques, marginaux ou même de paysages grandioses qui nous interpellent dans ce qu’il y a de meilleurs en nous ou qui réveillent les démons qui se cachent au plus profond de notre être.
Aujourd’hui, il se souvient de ses débuts avec son vieil argentique, parcourir la campagne, la nuit, pour photographier les étoiles et la lune, sans savoir qu’à ce moment-là, il allait passer sa vie à courir après des clichés qui ont fait de lui, cet homme de dos à happer ce qu’il ne verrait pas, s’il n’était pas derrière son objectif.
Et qui sont ces modèles qui posent pour lui ?
Matt et Ily sont les performeurs que Laurent Jahier a photographié. Ils sont passionnés et savent s’entourer de professionnels, car oui, il faut être professionnel pour pratiquer ces arts et être parfaitement accompagner de perceurs qui ont de l’expérience.
Le métier de Matt est d’ailleurs d’être Perceur lui-même d’où sa maîtrise exceptionnelle de la suspension et de son côté performeur. Il est connu sous le nom de TARVAA BODY ART et habite l’île de la Réunion depuis 4 ans. Ily, elle, est model photos et performeuse également.
Lorsque Matt a choisi ce lieu (un silo), il l’a choisi car il y avait de l’espace et que l’ambiance correspondait à son état d’esprit. Le lieu est important pour les rotations et que les deux personnes puissent être en symbiose sans se blesser. Une heure et demie de préparation pour flotter dans les airs pendant 10mn… Un bonheur particulier et très personnel il faut l’avouer.
Lorsque Matt et Ily ont proposé cette séance à Laurent en 2018, il n’a pas su refuser devant ce spectacle marginal qu’ils lui offraient. Ces arts lui étaient inconnus et sont tellement confidentiels. Certains les pratiquent chez eux, d’autres en spectacle… Et je vous assure que l’expérience de voir ces corps suspendus tournoyer dans les airs vous bouleverse d’une façon ou d’une autre à jamais.
Expo photos suspensions corporelles